Poésies

Année 2018/2019



Pour écouter les Chansons et les Musiques



Boris Vian
La java des bombes atomiques


Mon oncle un fameux bricoleur
Faisait en amateur
Des bombes atomiques
Sans avoir jamais rien appris
C’était un vrai génie
Questions travaux pratiques
Il s’enfermait toute la journée
Au fond de son atelier
Pour faire ses expériences
Et le soir il rentrait chez nous
Et nous mettait en trans’
En nous racontant tout
  
Pour fabriquer une bombe « A »
Mes enfants croyez moi
C’est vraiment de la tarte
La question du détonateur
Se résout en un quart d’heure
C’est de celle qu’on écarte
En ce qui concerne la bombe « H »
C’est  pas beaucoup plus vache
Mais une chose me tourmente
C’est que celles de ma fabrication
N’ont qu’un rayon d’action
De trois mètres cinquante
Y’à quelque chose qui cloche là-dedans

J’y retourne immédiatement.


Pour faire le portrait d'un oiseau


Peindre d'abord une cage
avec une porte ouverte
peindre ensuite
quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d'utile
pour l'oiseau
placer ensuite la toile contre un arbre
dans un jardin
dans un bois
ou dans une forêt
se cacher derrière l'arbre
sans rien dire
sans bouger ...
Parfois l'oiseau arrive vite
mais il peut aussi bien mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
attendre ...

 Jacques Prévert



Année 2017/2018



Sables mouvants

Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée
Démons et merveilles
Vents et marées
Et toi
Comme une algue doucement caressée par le vent
Dans les sables du lit tu remues en rêvant
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée
Mais dans tes yeux entrouverts
Deux petites vagues sont restées
Démons et merveilles
Vents et marées
Deux petites vagues pour me noyer.

Jacques Prévert
Poème mis en musique par Kosma
Dans le film "Les visiteurs du soir"


Gauguin (Lettre à Jacques Brel) Paroles et musique : Barbara

Il pleut sur l'île d'Hiva Oa.
Le vent, sur les longs arbres verts
Jette des sables d'ocre mouillés.
Il pleut sur un ciel de corail
Comme une pluie venue du Nord
Qui délave les ocres rouges
Et les bleus-violets de Gauguin.
Il pleut.
Les Marquises sont devenues grises.
Le Zéphir est un vent du Nord,
Ce matin-là,

Sur l'île qui sommeille encore.


POÈME POUR LA JOCONDE

Le corps recouvert de peinture
La peau fragile comme une toile
Le dos collé contre le mur
Elle s’expose, enveloppe opale

Dans son sourire aux lèvres absentes
Tant abusée, mêlée d’étreintes
On pourrait lire dans sa tourmente
Que l’or de ses cheveux se teinte


De mille couleurs incandescentes

Que cache-t-elle ? Beauté divine
Derrière cette sagesse indécente
Une saveur, un feu sublime
Signe d’un réveil en attente…

La Joconde est lasse
Et son sourire doux-amer rappelle que ses mortes cellules
N’ont d’effet que d’étouffer la tendre guerre des regards…


Isaac Lerutan (2009)


Dans Paris
Paul Eluard

    Dans Paris il y a une rue;
    Dans cette rue il y a une maison;
    Dans cette maison il y a un escalier;
    Dans cet escalier il y a une chambre;
    Dans cette chambre il y a une table;
    Sur cette table il y a un tapis;
    Sur ce tapis il y a une cage;
    Dans cette cage il y a un nid;
    Dans ce nid il y a un œuf,
    Dans cet œuf il y a un oiseau.
    L'oiseau renversa l'œuf;
    L'œuf renversa le nid;
    Le nid renversa la cage;
    La cage renversa le tapis;
    Le tapis renversa la table;
    La table renversa la chambre;
    La chambre renversa l'escalier;
    L'escalier renversa la maison;
    la maison renversa la rue;
    la rue renversa la ville de Paris.

Edmond ROSTAND   (1868-1918)

Les nénuphars

L'étang dont le soleil chauffe la somnolence
Est fleuri, ce matin, de beaux nénuphars blancs ;
Les uns, sortis de l'eau, se dressent tout tremblants,
Et dans l'air parfumé leur tige se balance.

D'autres n'ont encor pu fièrement émerger :
Mais leur fleur vient sourire à la surface lisse.
On les voit remuer doucement et nager :

L'eau frissonnante affleure aux bords de leur calice.


La java des bombes atomiques
Boris Vian


Mon oncle un fameux bricoleur
Faisait en amateur
Des bombes atomiques
Sans avoir jamais rien appris
C’était un vrai génie
Questions travaux pratiques
Il s’enfermait toute la journée
Au fond de son atelier
Pour faire ses expériences
Et le soir il rentrait chez nous
Et nous mettait en trans’
En nous racontant tout
  
Pour fabriquer une bombe « A »
Mes enfants croyez moi
C’est vraiment de la tarte
La question du détonateur
Se résout en un quart d’heure
C’est de celle qu’on écarte
En ce qui concerne la bombe « H »
C’est  pas beaucoup plus vache
Mais une chose me tourmente
C’est que celles de ma fabrication
N’ont qu’un rayon d’action
De trois mètres cinquante
Y’à quelque chose qui cloche là-dedans
J’y retourne immédiatement.

……

LE CHAT
De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu'un soir
J'en fus embaumé pour l'avoir
Caressé une fois, rien qu'une.
C'est l'esprit familier du lieu .
Il juge, il préside, il inspire
Toutes choses dans son empire ;
Peut-être est-il fée, est-il Dieu ?
Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime
Tirés comme par un aimant,
Se retournent docilement
Et que je regarde en moi-même,
Je vois avec étonnement
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opâles,
Qui me contemplent fixement.
Charles baudelaire,
Les Fleurs du Mal, 1857.

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